Effets patrimoniaux du divorce.
Cass. 1ère Civ., 17 novembre 2010
Attendu que M. X... et Mme Y... se sont mariés sous le régime de la communauté universelle, le contrat de mariage stipulant, en cas de dissolution de la communauté pour une autre cause que le décès de l’un des époux, une clause de reprise des biens apportés par l’un des époux ou advenus à titre personnel pendant la durée du régime ; que leur divorce a été prononcé par un jugement du 12 mars 2002 aux torts exclusifs de l’épouse ; que, lors des opérations de liquidation et de partage de la communauté, M. X... a demandé le report des effets du divorce, en ce qui concerne les biens des époux, à la date de leur séparation de fait ; qu’ayant reçu par donation, au cours du mariage, la moitié indivise en nue-propriété d’un immeuble, Mme Y... s’est prévalue de la clause de reprise des apports ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. X... fait grief à l’arrêt attaqué (Amiens, 4 mars 2009) d’avoir rejeté sa demande tendant au report des effets du jugement de divorce à la date de la séparation de fait, alors, selon le moyen, que les effets du divorce peuvent être reportés à la date où les époux ont cessé de cohabiter et de collaborer ; que la cessation de la cohabitation fait présumer celle de la collaboration ; que la seule circonstance qu’une épouse séparée de fait ait contracté un emprunt, conjointement avec son mari, ne suffit pas à caractériser la collaboration ; qu’en se bornant à relever cet élément pour rejeter la demande de report des effets du divorce, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 262-1 du Code civil, dans sa rédaction applicable à la cause issue de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 ;
Mais attendu que l’existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d’une volonté commune, allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial, caractérise le maintien de la collaboration des époux ; qu’ayant relevé qu’après la séparation, l’épouse s’était portée co-emprunteur, avec son mari, du prêt souscrit pour financer les travaux d’amélioration et d’aménagement de l’appartement que ce dernier venait d’acquérir, la cour d’appel a pu déduire de ce fait la volonté des époux de poursuivre leur collaboration après la cessation de leur cohabitation ; que le moyen n’est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen, ci-après annexé :
Attendu que ce moyen n’est pas de nature à permettre l’admission du pourvoi ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. X... fait enfin grief à l’arrêt d’avoir jugé que l’immeuble donné à Mme Y ... par ses parents n’était pas commun, alors, selon le moyen, que, quand le divorce est prononcé aux torts exclusifs de l’un des époux, celui-ci perd de plein droit toutes les donations et tous les avantages matrimoniaux que son conjoint lui avait consentis ; que la clause d’un contrat de mariage prévoyant, dans le régime de communauté universelle, la reprise par les époux, en cas de divorce, des biens qui seraient entrés en communauté de leur chef à titre personnel et gratuit, constitue un avantage matrimonial ; que le divorce ayant été prononcé aux torts exclusifs de Mme Y... , la cour d’appel ne pouvait donc faire application d’une telle clause à son profit, sans violer les articles 1134 et 267, dans sa rédaction applicable à la l’espèce, du Code civil ;
Mais attendu que la clause de reprise des apports stipulée au contrat de mariage portant adoption du régime de la communauté universelle ne confère aux époux aucun avantage matrimonial ; que le moyen est inopérant ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
>>> Notre éclairage :
Cet arrêt apporte deux intéressantes précisions quant aux effets patrimoniaux du divorce.
D’une part, la Haute juridiction juge que « l’existence de relations patrimoniales entre les époux, résultant d’une volonté commune, allant au-delà des obligations découlant du mariage ou du régime matrimonial caractérise le maintien de la collaboration des époux ». Et elle admet que le fait que l’épouse se soit portée co-emprunteur, après la séparation, du prêt souscrit pour financer les travaux d’amélioration et d’aménagement de l’appartement que l’époux venait d’acquérir, établissait la volonté des époux de poursuivre leur collaboration après la cessation de la cohabitation.
Si la Cour de cassation maintient la présomption de cessation de la collaboration à la suite de la cessation de la cohabitation, elle rappelle que cette présomption n’a rien d’irréfragable : si la preuve du maintien de la collaboration après la cessation de la cohabitation est rapportée, le report des effets du divorce ne peut être prononcé.
D’autre part, la Cour de cassation décide que la clause de liquidation alternative de communauté universelle (ou clause de reprise d'apports ou clause alsacienne) ne confère aux époux aucun avantage matrimonial.
Cette décision fait échapper la clause alsacienne à la révocation de plein droit des dispositions à cause de mort et des avantages matrimoniaux qui ne prennent effet qu’à la dissolution du mariage.
Cette solution est utile pour les donations soumis à la loi de 2004.
Pour les donations consenties sous l’empire de la loi du 23 juin 2006, le maintien de la clause alsacienne résulte de l’article 265, alinéa 3 du Code civil qui dispose que « si le contrat de mariage le prévoit, les époux pourront toujours reprendre les biens qu'ils auront apportés à la communauté ».
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